Histoire
08/03/2025
Aujourd’hui connu pour ses activités récréatives et son vaste parc, le domaine de Wégimont, situé à Soumagne près de Liège, cache un passé sombre et méconnu. Entre 1942 et 1944, ce château historique fut le théâtre du seul Lebensborn en Belgique, un programme nazi dédié à la propagation de la « race aryenne ».
Le terme « Lebensborn », littéralement « fontaine de vie », désigne un projet sinistre initié par Heinrich Himmler, chef des SS, visant à créer une race aryenne pure. Dans ces centres, des femmes considérées comme racialement « pures » étaient encouragées à concevoir des enfants avec des soldats SS. Le domaine de Wégimont, situé à quelques kilomètres à l’est de Liège, devint ainsi, malgré lui, une maternité dédiée à cet objectif effroyable.
Offert à la province de Liège par la famille d’Oultremont en 1920, le château de Wégimont fut transformé en un centre de loisirs prisé avant que la Seconde Guerre mondiale ne vienne changer son destin. En 1942, les Nazis réquisitionnèrent le domaine pour en faire un Lebensborn, surnommé la « maternité des Ardennes ». Des femmes belges, néerlandaises et françaises, séduites par l’idéologie nazie ou en quête de refuge, y donnaient naissance à des enfants destinés à devenir l’élite du Troisième Reich.
Le Lebensborn de Wégimont ne répondit jamais aux attentes des Nazis. La vétusté du château, le manque de personnel qualifié et l’hostilité de la population locale rendaient la mission de propagation aryenne difficile. Les sages-femmes belges, réticentes à collaborer, sabotèrent même parfois leurs tâches. Les conditions de vie étaient si déplorables que même les Allemands critiquaient la saleté du lieu et la mauvaise gestion du personnel.
Le Lebensborn de Wégimont était également le théâtre de cérémonies funestes. Chaque nouveau-né recevait un baptême militaire, un rituel où un officier nazi brandissait un poignard au-dessus de la tête du bébé, lui accordant ainsi des « honneurs militaires ». Si un enfant mourait, des funérailles étaient organisées en l’honneur du futur soldat qu’il aurait pu devenir.
Après la fermeture du Lebensborn en septembre 1944, le domaine de Wégimont tenta de reprendre une fonction plus paisible. Cependant, les archives de cette période, détruites lors d’un incendie en 1964, laissent de nombreuses zones d’ombre. Les quelques enfants nés dans cette « pouponnière nazie » qui ont tenté de retrouver leurs racines se sont souvent heurtés à un mur de silence. Ce passé tragique, longtemps tabou, commence à peine à être reconnu.
Le château de Wégimont demeure un lieu chargé d’histoire, témoin silencieux d’un chapitre noir de la Seconde Guerre mondiale. Aujourd’hui, les visiteurs qui viennent profiter des installations de loisirs ignorent souvent que ce site fut autrefois un « haras humain ». Pourtant, la mémoire de ces événements doit être préservée, non seulement pour honorer les victimes de cette idéologie dévastatrice, mais aussi pour rappeler les dangers des extrémismes raciaux.