Histoire

23/07/2023

Entre curiosités et neutralité, l’histoire fascinante de Moresnet-Neutre

Découvrez l'histoire méconnue de Moresnet Neutre, un minuscule État conçu sur une planche à dessin. Niché entre les Pays-Bas et la Prusse après les défaites de Napoléon Ier, cet intrigant territoire fut créé pour résoudre un différend minier. Avec sa superficie restreinte et sa forme triangulaire, Moresnet Neutre a vécu des décennies d'étonnantes péripéties, de la contrebande d'eau-de-vie à une tentative originale de devenir un État espérantiste.

Imaginez un petit état, à peine plus grand qu’un parc, mais où la qualité de la vie était tout simplement parfaite. Bienvenue à Moresnet Neutre, un territoire unique qui a vu le jour à la suite des défaites de Napoléon Ier en 1813 et 1814, lorsque les alliés décidèrent de réorganiser l’Europe en redessinant les frontières et en répartissant les territoires conquis.

Les prémisses et les limites de ce mini-état

La controverse surgit lors de la redéfinition des limites entre les Pays-Bas et la Prusse concernant les gisements de minerai de zinc à Altenberg / Vieille Montagne, situés sur le territoire de La Calamine (Kelmis). Pour résoudre cette querelle, une solution des plus insolites fut trouvée : créer un territoire sous administration commune, un endroit véritablement « neutralisé », donnant ainsi naissance à Moresnet Neutre.

Ce nouvel État ne mesurait que 350 hectares, ayant la forme triangulaire d’un morceau de tarte, s’étendant du point actuel des Trois Bornes jusqu’à la Rue de Liège (Lütticher Straße). Les lignes frontalières semblaient tracées au cordeau, laissant penser que l’accord avait été conclu devant une planche à dessin. Cependant, seule la partie ouest et la partie est de la localité de Moresnet ne faisaient pas partie de cette entente étrange.

Au départ, Moresnet Neutre ne comptait que 256 habitants en 1816, mais son essor économique lié au développement de la mine de zinc (depuis 1837 : « Société des Mines et Fonderies de Zinc de la Vieille Montagne ») attira rapidement de nouveaux habitants. En 1830, la population atteignait 500 âmes, et en 1858, on recensait déjà 2 572 habitants. Avec une telle population, la distillation de boissons était monnaie courante, mais les lois stipulaient que cela ne pouvait être fait que pour une consommation personnelle. Malheureusement, la production de ces breuvages dépassa rapidement les capacités de consommation des 70 cafés et bars présents sur le territoire, entraînant une contrebande importante vers les Pays-Bas voisins.

Moresnet Neutre ne manquait pas de curiosités.

Au début du XXe siècle, les partisans de l’espéranto, une langue artificielle internationale, aspiraient à faire de Moresnet Neutre le siège central de leur mouvement. Lors d’un congrès de l’union mondiale de l’espéranto, cette petite enclave fut même proclamée comme telle. Les habitants se montraient enthousiastes face à cette proposition et se mirent à étudier cette nouvelle langue, si bien que partout dans la localité, on entendait baragouiner l’espéranto. Les tenanciers et aubergistes de la région adoptèrent même cette langue pour nommer leurs établissements.

Moresnet Neutre ne disposait pas de sa propre monnaie. Le franc français était utilisé comme moyen de paiement légal. En plus de cela, les devises de la Prusse (puis de l’Allemagne après 1871), de la Belgique et des Pays-Bas étaient également en circulation. En 1848, une monnaie locale a commencé à circuler, bien que ces pièces ne soient pas considérées comme le moyen officiel de paiement. Cette diversité monétaire ajoutait une complexité supplémentaire à l’économie de Moresnet Neutre, reflétant l’absence d’une identité monétaire claire pour ce petit territoire au passé si particulier.

Moresnet Neutre possédait, comme n’importe quel vrai pays, son propre drapeau, ainsi que de son propre hymne national.

1895, le début de la fin

En 1895, l’exploitation du zinc à la mine de Vielle Montagne / Altenberg prit fin, et deux ans plus tard, les habitants de Moresnet Neutre adressèrent une pétition demandant leur rattachement à la Belgique en cas de cessation du statut autonome. Le destin de cette minuscule entité changea une fois de plus pendant la Première Guerre mondiale, lorsqu’elle fut occupée par l’Allemagne et finalement intégrée au royaume de la Belgique, suite aux accords du Traité de Versailles en 1919.

Que reste-il aujourd’hui de Moresnet Neutre ?

Après 1920, l’Allemagne réannexa brièvement la région pendant la Seconde Guerre mondiale, mais elle revint à la Belgique en 1944. Depuis 1973, Kelmis fait partie de la communauté germanophone de Belgique. En 1977, Kelmis absorba les communes voisines de Neu-Moresnet et Hergenrath.

Un petit musée à Kelmis, le Musée Vieille Montagne, présente des expositions sur Moresnet Neutre. Sur les 60 bornes frontalières du territoire, plus de 50 sont encore debout. La plus célèbre d’elles est sans aucun doute celle située au point des trois-frontières à Gemmenich, au pied de la Tour Baudouin.

En tant qu’entreprise, Vieille Montagne a survécu à Moresnet Neutre. Elle existe toujours sous le nom de VMZINC, faisant partie d’Union Minière, qui a été renommée Umicore en 2001, une entreprise mondiale spécialisée dans les matériaux.

Le 26 octobre 2016, Catharina Meessen devint la dernière citoyenne survivante de l’ancien territoire après le décès d’Alwine Hackens-Paffen. Catharina est décédée au début de l’année 2020, à l’âge de 105 ans.

En savoir plus : Museum Vieille Montagne

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