
Patrimoine
Symbole de la gastronomie belge, les frites sont partout : dans les fritkots, aux terrasses, dans les festivals et jusque dans les cuisines familiales. Mais d’où viennent réellement les frites belges ? Sont-elles une invention belge ou française ? Et pourquoi Namur revendique-t-elle l’origine de ce mets devenu un véritable patrimoine culturel ?
L’histoire des frites belges se perd entre traditions orales, légendes et récits populaires. Selon la version la plus connue, tout aurait commencé à Namur, au bord de la Meuse, au XVIIe siècle. Les habitants avaient pour habitude de frire de petits poissons pêchés dans la rivière. Mais lors d’un hiver particulièrement rude, la Meuse fut prise par les glaces. Impossible alors de pêcher. Pour compenser, les Namurois auraient coupé des pommes de terre en bâtonnets et les auraient plongées dans l’huile bouillante, imitant la forme et la texture des poissons frits. Ainsi seraient nées les premières frites belges.
Cette histoire, popularisée par l’historien belge Jo Gérard, reste aujourd’hui une référence. Bien que certains chercheurs contestent la véracité de cette anecdote, elle illustre parfaitement l’importance culturelle de la frite dans l’imaginaire collectif belge.
La Belgique n’est pas la seule à revendiquer l’invention de la frite. La France, et plus particulièrement Paris, avance également ses arguments. On retrouve des mentions de « pommes frites » dès la fin du XVIIIe siècle, notamment sur les étals des vendeurs ambulants du Pont Neuf. Ces pommes frites étaient déjà coupées en bâtonnets et servies comme encas populaire.
La question reste donc ouverte : invention belge ou française ? Si la France s’appuie sur ses archives gastronomiques, la Belgique met en avant la légende de Namur et la tradition populaire des fritkots. Quoi qu’il en soit, la Belgique a su s’approprier la frite et l’élever au rang d’icône nationale, là où la France l’a intégrée à une cuisine plus large.
Les fritkots (ou baraques à frites) apparaissent en Belgique au XIXe siècle. Installés d’abord sur les places publiques et dans les foires, ils deviennent rapidement un lieu incontournable de la vie quotidienne. Les friteries belges se distinguent par leur générosité, la variété des sauces proposées et la cuisson particulière des frites.
À Bruxelles, la Maison Antoine, fondée en 1948, est devenue une véritable institution. De même, le Fritkot Max à Anvers, ouvert depuis 1842, est souvent cité comme la plus ancienne friterie de Belgique encore en activité. Ces lieux ne servent pas seulement à manger, mais incarnent aussi une partie de l’identité belge.
Si les frites belges sont aujourd’hui réputées dans le monde entier, c’est grâce à leur technique de cuisson. Contrairement à d’autres pays où elles sont préparées en une seule cuisson, les Belges utilisent une méthode en deux temps :
Cette technique permet d’obtenir des frites à la fois fondantes à l’intérieur et croquantes à l’extérieur. Ajoutez à cela un choix de pommes de terre adaptées, comme la variété Bintje, et vous avez la recette du succès.
La ville de Namur joue un rôle central dans la légende de l’invention des frites. Chaque année, de nombreux Belges et touristes s’y intéressent en quête de l’origine de cette spécialité. Bien que l’histoire du remplacement des poissons par des bâtonnets de pommes de terre ne soit pas scientifiquement prouvée, elle reste profondément ancrée dans la culture populaire namuroise.
De plus, Namur et sa région comptent de nombreuses friteries réputées. Ce n’est donc pas un hasard si l’anecdote y a trouvé un terrain fertile pour se perpétuer au fil des générations.
Au-delà de son aspect culinaire, la frite est un véritable élément de patrimoine en Belgique. Depuis 2014, les friteries belges ont même été inscrites à l’inventaire du patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO en Wallonie et en Flandre. Une reconnaissance qui souligne l’importance de ce plat dans la vie sociale, culturelle et gastronomique du pays.
Manger un cornet de frites ne se limite pas à l’acte de se nourrir. C’est partager un moment convivial, entre amis ou en famille, au détour d’une place ou d’une foire. La frite est un langage universel en Belgique, qui rassemble toutes les générations.
De Bruxelles à New York, de Tokyo à Sydney, les frites belges se sont exportées aux quatre coins du globe. Plusieurs chaînes de restauration rapide belges ont vu le jour à l’international, mettant en avant la cuisson en deux temps et la variété des sauces. Le succès repose sur trois facteurs :
Aujourd’hui, les frites belges sont autant un produit culinaire qu’un outil de promotion culturelle. Elles contribuent à l’image conviviale et gourmande de la Belgique dans le monde.
Entre mythe et réalité, les frites belges racontent une histoire fascinante. Que l’on croie ou non à la légende de Namur et de la Meuse gelée, une chose est certaine : la Belgique a su transformer une simple pomme de terre frite en symbole national et international. Manger des frites, c’est croquer dans une partie de l’âme belge, faite de convivialité, de partage et de gourmandise. Et c’est bien là que réside la véritable magie des frites belges.