Huy, la ville aux 4 merveilles

Patrimoine

09/02/2023

8 minutes

Peu connue des touristes, Huy est une ville au passé prestigieux qui fut - au Moyen-Âge - la seconde ville la plus importante de la province de Liège. Les hutois ont élu quatre monuments comme étant les merveilles de leur cité. Plongez dans l'histoire de Huy et découvrez ces joyaux méconnus de la Wallonie.

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Li Bassinia

Li Bassinia est une fontaine médiévale qui a été érigée en 1406 au centre de la Grand-Place de Huy. La fontaine est composée d’un grand bassin en laiton, fondu au moyen d’une ancienne cloche appelée Marie hideuse, qui sonnait lors d’exécutions capitales ou d’attaques ennemies. La fontaine est surmontée de quatre tours à créneaux alternant avec quatre statuettes de saints : Sainte-Catherine, Saint-Domitien, Saint-Mengold et Saint Ansfried.

En 1597, une cinquième statuette représentant le « Cwèrneû », le guetteur de la ville, est ajoutée à la fontaine. Au XVIIIe siècle, un dais en fer forgé soutenant l’aigle bicéphale de l’Empire Romain Germanique est ajouté, rappelant que Huy était alors un fief du Saint Empire Romain. Des bassins en pierre sont également ajoutés en 1735, restaurés en 1881 et portant les noms des bourgmestres sous lesquels avaient eu lieu les restaurations précédentes.

La fontaine est classée Patrimoine Exceptionnel de Wallonie depuis 1999. Cependant, elle a été retirée de la Grand-Place pour cause de restauration. Les travaux visent à consolider la base de la fontaine et à rénover les différents éléments abimés par le temps, tels que les bassins de pierre et les structures en fer déformées. L’eau est toujours amenée à la fontaine grâce à une pompe qui prend l’eau de la source située dans le quartier de Sainte-Catherine.

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Li Pontia

Le Pontia, dont la première pierre fut posée le 30 juin 1294, ne fut achevé que 9 ans plus tard. À l’époque, il ressemblait davantage à une rue, bordée de maisons. En 1343, la prison de la ville y fut même installée. En 1676, l’armée française, qui avait pris possession de Huy, fit sauter 2 arches et 2 piles du pont. La ville n’ayant pas les moyens de financer la reconstruction, elle instaura un droit de passage pour les bateaux passant par Huy, afin de récolter des fonds. Grâce à cet argent, le pont fut reconstruit en 1680 et les travaux s’achevèrent en 1686. En 1693, le commandant de Huy fit sauter plusieurs arches du Pontia pour protéger la ville face à l’armée française qui approchait. Les parties détruites furent reconstruites en bois, car la ville était épuisée de sa reconstruction récente. En 1703, les occupants français détruisirent de nouveau le Pontia.

Gustave Walckiers, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons

Le 14 juillet 1749, le pont fut détruit cette fois par une inondation du Hoyoux. En 1793, les Français firent sauter l’arche centrale du Pontia, qui fut reconstruite en pierre en 1808. Enfin, en 1898-1899, la dernière pile de la rive gauche fut supprimée pour faciliter le passage des bateaux. Dans la nuit du 14 au 15 août 1914, les troupes belges firent sauter l’arche du milieu. Le pont fut réparé en 1920-1921, mais fut de nouveau détruit pendant la guerre 40-45.

La dernière version du Pontia a été inauguré par le Roi Baudouin le 9 juin 1956 et a été nommé d’après lui.

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Li Rondia

La rosace gothique rayonnante appelée Li Rondia, est la plus grande de Belgique à ce jour et se trouve sur la paroi occidentale de la grande tour de la Collégiale Notre-Dame de Huy, datant de 1311, bien que la rosace elle-même date du XIVe siècle. Elle a un diamètre intérieur de 6 mètres et un diamètre extérieur de 9 mètres, et recouvre une superficie totale de 28 m².

Les vitraux de la rosace, conçus par le doyen Delruelle et réalisés par Gsell-Laurent à Paris, sont magnifiques. Cependant, peu d’archives sont disponibles pour cette richesse de notre patrimoine. Les vitraux actuels datent de 1974, car les originaux ont été entièrement détruits suite au bombardement du 18 août 1944.

Freddy de Hosdent, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons

La rosace devait projeter des rayons de lumière colorée vers les pierres des nefs, les colonnes et le chœur de l’édifice. Les meneaux ont été sculptés en pierre de France à l’identique des anciens, et le verre choisi est un verre antique coloré et d’une épaisseur de 2 à 3 millimètres.

Symboliquement, le centre de la rosace, source de feu, représente Dieu et la trinité divine, et autour de ce centre, il y a l’illustration de la Sainte-Vierge et des apôtres, puis la terre et les hommes. La rosace représente ainsi la descente de la lumière de Dieu vers les hommes en passant par les saints et la Vierge. Les couleurs dominantes de la rosace sont le rouge et le bleu, le bleu symbolisant la Vierge Marie et le rouge symbolisant le sang des dix martyrs hutois, qui étaient représentés auparavant dans le vitrail. La rosace vise à évoquer la joie, la puissance de la vie et le bonheur de l’esprit, et est considérée comme « Le plus bel exemple d’une symbolique des couleurs appliquée à l’art abstrait ».

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Li Tchestia

Au fil du temps, le château de Huy, également appelé « Li Tchestia », est passé sous le contrôle de différentes dominations. Pendant le Moyen Âge et l’époque moderne, il était bien connu que « qui tenait Huy, tenait la Meuse ».

L’éperon rocheux dominant la vallée de la Meuse et du Hoyoux était un lieu stratégique dès l’Antiquité, utilisé pour la défense et la surveillance. Un château-fort y a donc été construit vers l’an 890, complétant la ligne de défense des murs de la ville et jouant un rôle protecteur important dans l’histoire de la ville.

Cette forteresse redoutable était appréciée par la communauté des évêques qui venaient souvent y chercher refuge. Le pape Georges X a même déclaré qu’il n’avait jamais vu de château aussi grand, fort et beau lors de ses voyages ! Le château a été agrandi par la suite avec la construction d’une riche chapelle antique en 624 et de la célèbre « Tour Bassin » vers l’an 1000. Sous la partie visible de cet ensemble castral se trouvait une série de salles, couloirs et escaliers taillés dans le roc. En plus de vastes salles richement ornées, le château contenait des magasins d’armes et de provisions ainsi que des appartements de luxe.

Grâce à cette forteresse, Huy est devenue un poste avancé de la principauté de Liège, qui défendait l’accès à la vallée de la Meuse. L’histoire de la ville et de la principauté liégeoise se confondent alors.

Au fil des siècles, le château a été attaqué à plusieurs reprises par des incendies, des pillages et des épidémies qui ont ravagé plusieurs fois la cité mosane.

Claude Chastillon, Public domain, via Wikimedia Commons

Entre 839 et 1717, le château a été démoli et reconstruit maintes fois. La violence des guerres et de l’occupation étrangère a conduit au Traité d’Utrecht en 1717, qui a décrété la démolition complète du château et de ses fortifications.

L’emplacement est resté vide jusqu’en 1818, date à laquelle le royaume des Pays-Bas a commencé la construction du fort actuel. Le 6 avril 1918, en présence du prince Frédéric des Pays-Bas, la première pierre du nouvel ouvrage militaire, appartenant désormais aux Hollandais, a été posée. Les Hollandais ont capitulé en 1830 à la suite de la menace d’une poignée d’Hutois. Le fort a été considéré comme désaffecté en 1831 et a ensuite été racheté par l’État.

En août 1914, pendant la Première Guerre mondiale, les Allemands ont pris possession du fort pour y établir un camp disciplinaire pour leurs troupes. En 1918, le fort est devenu un centre de détention pour prisonniers russes. De 1920 à 1932, l’École régimentaire de la 14e ligne s’est installée dans le bâtiment.

Alaindg, CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons

Depuis lors, le fort a connu plusieurs périodes d’utilisation, notamment comme centre de prisonniers pendant la Première et la Seconde Guerre mondiale. Aujourd’hui, le fort appartient à la ville de Huy et a été classé comme monument historique depuis 1976.

Le fort de Huy est aujourd’hui un lieu de mémoire et de témoignage de la Seconde Guerre mondiale. Les visiteurs peuvent parcourir les couloirs sombres et les cellules sinistres du fort, qui sont maintenant aménagés en un musée. La visite comprend également une salle audiovisuelle où les visiteurs peuvent écouter des témoignages de cette période sombre de l’histoire. Le fort accueille également de nombreuses expositions temporaires et offre une vue imprenable sur la ville de Huy et la vallée de la Meuse.

Bien que le fort de Huy soit un vestige du passé, son utilisation actuelle en tant que musée et lieu de mémoire montre qu’il reste un lieu important pour l’histoire de la région et un témoignage de la dure réalité de la guerre.